Corvées: Révision

Corvées

Dernière mise à jour le par Adriana Tenda Claude

Article rédigé par Nicole Salamin pour "Les 4 Saisons d'Anniviers"

Corvées - Pas de manches, ni de bras cassés!

Tronçonné, débroussaillé, élagué, creusé, pelé, scié, cloué, bétonné, nettoyé, râtelé, ratissé, balayé, balisé, enfin. Seule l’évacuation des grosses souches tombées en travers des chemins nécessiteront de plus gros moyens que ceux que nous avions à disposition.

Un hiver rigoureux avec d’intenses chutes de neige en décembre et janvier, puis le foehn qui sévit de façon très violente un samedi d’avril. D’autant qu’après un magnifique automne, le sol n’avait pas eu le temps de geler au moment d’affronter les premiers dangers. Soumis à rude épreuve, déstabilisés, les éléments faibles de la nature furent balayés. Réfection des chemins et entretien des infrastructures, une tâche rendue nécessaire au printemps.

C’est pourquoi la journée des travaux s’annonçait conséquente, bien que les employés communaux en charge des chemins les arpentent sans relâche tout au long de l’année, s’adonnant à chaque saison à sa tâche spécifique.

Réveil matinal en ce samedi de Pentecôte. 07h45, une bonne quarantaine de personnes est réunie sur la place, prête à recevoir les instructions du responsable de la SD (société de développement) pour le déroulement de la journée. Parmi eux, un éventail d’indigènes, de personnes établies à l’année, de propriétaires de résidences secondaires, tous motivés par leur attachement à la région, désireux d’en prendre soin, autant que par le sentiment d’appartenance à notre société locale, celle que rapproche encore ce genre d’occasion. Sans oublier la récompense délassante de la raclette du soir. Hommes, femmes, enfants de 7 à 77 ans.

La répartition des tâches se fait dans la plus grande bonne humeur et le volontariat le plus dynamique. Vous l’aurez compris, aucun bras cassé dans l’équipe. Distribution du matériel et chacun de s’éparpiller en se souhaitant « à ce soir, bonne journée! ».

Ce type de journée communautaire est plus connu dans la vallée sous l’appellation de « corvée » à laquelle tout consort, bourgeois, communier, villageois, paroissien et même forain se devait de participer. A l’époque, ces journées étaient une évidence pour des raisons bassement pratiques, sanctionnées en cas d’absence à la tâche. Aujourd’hui, l’intérêt est patrimonial et touristique. Notre économie évolue.

Dans notre contexte, cette journée des chemins existe « depuis toujours » selon le souvenir de certains. Il faut dire que notre SD a été fondée en 1930 déjà.

Cette année, la corvée a permis l’aboutissement d’une réflexion qui tournait autour des axes verticaux du village, les « roa », des raccourcis en fait, qui, avec l’avènement de l’automobile et des routes de contournement, finirent par disparaître. C’est ainsi que 2 d’entre eux sont réhabilités après réaménagement.

Courbaturés, cloqués, rompus, mais très heureux d’avoir participé au bien commun, la journée de travail s’est terminée dans l’après-midi, juste le temps d’une pause avant la soirée-raclette et l’immense satisfaction des organisateurs de voir de nouveaux contacts s’établir entre indigènes et gens de l’extérieur, des amitiés éclore durablement.

Cette journée se confond avec celle des bénévoles, des liens qui se tissent pour mieux ancrer encore. Elle aide aussi à faire prendre conscience de la tâche à accomplir pour l’entretien. Un tronçon peut vite être enseveli ou s’effondrer jusqu’à la disparition. Un chemin proprement ratissé assure une meilleure sécurité au promeneur et, au-delà, procure une joie toute particulière, celle des bons souvenirs et l’envie de revenir. En tout cas, la prise de conscience environnementale de ce genre d’exercice est thérapeutique. L’oeil averti de celui qui y a travaillé une fois ne laissera plus passer un endroit négligé et/ou dangereux, ramassera jusqu’au moindre papier.

La gestion des chemins relevait auparavant de la responsabilité des SD ou de groupements privés. Elle a pour l’essentiel été reprise par la nouvelle commune d’Anniviers. Pour notre SD, cette journée n’est donc pas inscrite dans le cadre d’une obligation, mais se veut une participation sous forme d’heures de parrainage.

Les parrains, d’ailleurs, sont un atout indispensable au bon entretien de ces chemins pédestres. Ils ont à travers l’histoire été nommés comme tels pour l’un ou l’autre d’entre eux. Ils se chargent alors de surveiller, voire d’entretenir leurs kilomètres. Aujourd’hui encore et nonobstant le changement de gestion, il tient toujours à coeur de ces personnes de vérifier et de signaler le bon état de leur filleul à qui de droit.

Vu la motivation, autant dire que la journée des travaux comme les parrains sont des traditions vivaces. De la Tenda (Pinsec) à la Tsarva (Grimentz), la rive gauche anniviarde était, ce soir-là, toute proprette pour accueillir les estivants.

Petit survol par sondage (merci à tous mes informateurs!) et non exhaustif des corvées:

La SD d’Ayer (Mottec, Ayer, Mission, Cuimey, La Combaz, Les Morands) n’organise cette année pas de journée des bénévoles mais a consacré celle de l’année dernière au patrimoine pour l’entretien des musées. Elle gère selon les besoins. Elle garde un lien étroit avec la commune pour les communications relatives à l’entretien des chemins.

La société de Zinal (1571) est un consortage de plus de 80 propriétaires fonciers, qui assurait la gestion communautaire des biens (parcours ou pâturages communs, chaux, forêt, chemins, bisses, fontaines,…) et des bêtes. La chapelle et l'hôtel-restaurant le Trift lui appartiennent. La journée des Viés (chemins) a lieu le premier samedi après le premier dimanche de juin.

La société du village, la première fondée dans la vallée, était aussi sur le pont ce samedi pour s’occuper de ses biens comme de la place de pic-nic, sous la direction de ses 3 chefs.

La journée de Vissoie s’est déroulée le 28 avril pour préparer le village au festival des fanfares. Comme les autres SD, elle s’occupait des chemins, bancs, fleurs, repris par la commune. Elle gère le couvert de la place de fête et projette de remonter le moulin sis à côté du torrent de Prapane avant la réfection de son tracé.

Fang réunit à mi-mai les gens de sa société, des indigènes, comme ceux de l’extérieur mais originaires des lieux. Ils bichonnent les alentours des villages et leurs valeurs (moulin, chapelle, four, place de fête).

Les sociétés des villages de Chandolin et Pinsec organisent toutes deux leurs journées du bois en automne pour alimenter le four banal, ainsi qu’une seconde ou une autre selon les besoins au printemps.

A Vercorin… c’est aux Ziettes que notre consortage de propriétaires, des Anniviards pour la majorité, s’est retrouvé pour construire un bassin ou déterrer un robinet qui a mal passé l’hiver à part l’entretien des chemins.

Au sein des bourgeoisies d’Anniviers, les vignolages sont toujours de coutume. Chacune d’elle possède sa vigne « dans la grande vallée ». Ces journées ont généralement lieu en mars pour la taille, il y en a même deux pour St-Luc. Elles regroupent des bourgeois d’ici ou d’ailleurs très enclins à faire perdurer les traditions et sont, comme dans le temps, toujours rythmées par les fifres et tambours pour l’occasion.

Galerie-photos sur www.limmoblog.ch en date du 03 juin 2012.

Nicole Salamin

 

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