Société du Village en Anniviers - 2e partie: Révision

Société du Village en Anniviers - 2e partie

Dernière mise à jour le par Adriana Tenda Claude

Article rédigé par Janine Barmaz pour "Les 4 Saisons d'Anniviers"

 

La Société du Village au XXIe siècle

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Corvée de la Société du Village de Mission, lors de la réfection du toit de la chapelle - photo Nadine Theytaz

 

En octobre 2020, ce magazine consacrait un article aux origines des Sociétés du Village en Anniviers (n° 40, p. 8-9), qui présentait leur naissance et leur fonctionnement en s’appuyant sur les exemples de Mission et de Grimentz.

Ce texte en est la suite ; il s’applique à décrire ces sociétés telles qu’elles fonctionnent aujourd’hui et s’attache à en souligner certains traits.

En Anniviers, les Sociétés du Village ont été constituées à trois périodes différentes : les plus anciennes dans le courant du XIXème siècle, quelques-unes dans la deuxième partie du XXème siècle et les dernières au moment de la fusion des communes, en 2008-2009. Leurs créations, étalées dans le temps, n’ont pas les mêmes causes, elles ne répondent pas aux mêmes besoins. Néanmoins elles visent un même but premier, celui de défendre les intérêts du village. Cela explique pourquoi plusieurs de ces sociétés ont traversé les siècles et perduré jusqu’à maintenant : il fallait s’organiser pour avoir son mot à dire dans sa propre commune. Cette motivation permet de saisir les raisons pour lesquelles Grimentz a pu aisément renoncer à sa Société du Village dans les années 1950-60 : village et commune se confondaient. Une fois que les municipalités avaient été clairement établies dans leurs fonctions, il n’y avait plus de raison d’avoir deux entités. Mission, au contraire, voulait continuer à se faire entendre au sein de la commune d’Ayer, parmi les diverses localités.

C’est cette même motivation qui a présidé à la constitution des Sociétés du Village les plus récentes. La naissance de la commune d’Anniviers a poussé des villages qui n’avaient pas ou plus de Société du Village à s’en doter. Pour ne pas se fondre dans la masse, Vissoie, St-Luc, Chandolin et Grimentz ont alors suivi l’exemple de leurs voisins. Ils ont fondé leur propre Société du Village en s’inspirant des modèles existants. L’idée que le chef du Village puisse être le représentant privilégié de ce dernier auprès des autorités politiques a contribué à la conviction que constituer une Société du Village était utile, voire nécessaire.

Dans la réalité, il ne semble pas que les chefs du Village aient endossé ce rôle. Cependant les Sociétés plus anciennes, qui avaient déjà l’habitude d’interagir avec leur conseil communal, ont maintenu le contact. Certaines invitent un membre du conseil à participer à leur assemblée générale et profitent de sa présence pour transmettre leurs demandes ou doléances.

Evolution dans l’organisation

Au cours du XXème siècle, la société anniviarde a connu de grandes mutations. Son système économique a changé fondamentalement. Les activités agropastorales qui étaient à la base de la vie d’antan se sont réduites au point que les fonctions principales des Sociétés du Village ont disparu. Pour survivre ces sociétés ont progressivement adapté leur organisation, leur fonctionnement et leurs statuts. Finies la garde commune des bêtes ou la gestion du four banal et de la boucherie. Terminés la gestion de l’école et le prêt d’argent aux villageois. Même les conditions requises pour devenir membre ont dû être modifiées. C’est probablement sur ce dernier point que la transformation a été la plus graduelle. Si la notion d’un membre par foyer s’est généralement maintenue (en tout cas au moment de voter à l’assemblée générale), les sociétés se sont ouvertes aux femmes, aux non-domiciliés mais propriétaires, aux personnes très attachées au village bien qu’elles n’y habitent plus ou pas… Chaque société ou presque a ses propres exigences, inscrites dans ses statuts. Ce qui apparaît clairement, c’est que pour maintenir un effectif suffisant, il est nécessaire d’assouplir les critères et d’attirer des personnes motivées, dont l’attachement au village est fort. Les sociétés créées en 2008 ont déterminé qui pouvait en devenir membre en fonction de leur propre contexte. Ainsi, la société de Chandolin, avec une petite population résidant à l’année, a ouvert plus largement ses portes que les trois autres.

Nouvelles activités

L’article détaillant les buts de la Société du Village de Vissoie est représentatif de l’esprit qui motive aujourd’hui l’ensemble de celles de la vallée :  « La Société du Village de Vissoie a pour but de réunir tous ses habitants…autour d’un projet commun, à savoir renforcer les liens sociaux, défendre les intérêts légitimes du village, mettre en valeur et entretenir les édifices et de manière générale promouvoir tout ce qui est de nature à animer, embellir et faire connaître le village. » Il est loin le temps (1925) où la Société de Mission inscrivait dans son article 2 : « (elle) a pour but de sauvegarder et de favoriser les intérêts d’ordre moral et économique, elle s’efforcera à faire unir dans une association homogène tous les habitants reconnus villageois ».

En 2020, les Sociétés du Village interviennent presque toutes dans l’organisation de fêtes religieuses, généralement la fête patronale (qui dans les petits villages est souvent la grande fête de l’année) et la Fête-Dieu. Elles s’occupent aussi de l’entretien du patrimoine qui est le leur, à savoir four banal, boucherie, moulin, oratoire, raccard ou autres. Certaines d’entre elles décorent les villages pour les fêtes de fin d’année, offrent le vin chaud à Nouvel An, font du pain au four banal, ou des pizzas, mettent sur pied des soirées à thèmes, etc. Heureusement la plupart des Sociétés du Village ont la possibilité et le plaisir de collaborer avec d’autres sociétés dans leur engagement : avec les paroisses, les bourgeoisies, la commune, les sociétés de développement et d’autres sociétés villageoises. À St-Luc et Grimentz pour le moins, une rencontre entre les divers protagonistes est organisée chaque année. 

Esprit de corps

La nécessité d’unir ses forces pour avancer est l’idée qui sous-tend l’existence des Sociétés du Village dès leurs débuts. Cet esprit est demeuré intact, malgré l’évolution, et anime aujourd’hui encore les Sociétés et leurs chefs. Beaucoup de travaux de maintenance ou de restauration se réalisent sous forme de corvées, appellation héritée du passé et encore fort usitée dans nos contrées. Cela limite les coûts et rapproche les participants. Une excellente manière de consolider les liens de la communauté villageoise et de conserver ce qui a été reçu des anciens avant de le transmettre à la postérité.

Ce bref éclairage jeté sur les Sociétés du Village d’aujourd’hui montre qu’elles ont encore une belle place à tenir en Anniviers. Elles ont su se réinventer malgré les changements incessants de notre monde et peuvent servir de point d’ancrage aux nouvelles générations. Garantes du lien entre passé et présent, elles mériteraient une étude historique approfondie qui permettrait que soit mise en lumière l’histoire des gens d’avant.

Texte Janine Barmaz, photos albums privés

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