Mayen des Voualans - Histoire d'un mayen d'hier à aujourd'hui

Article rédigé par Nicole Salamin pour "Les 4 Saisons d'Anniviers"

 

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Les Voualans

Les Voualans, 1146 mètres

Plusieurs chemins mènent aux lieux. Celui qui s’engage depuis le lit de la Navisence est un raidillon étroit et assez escarpé. Il longe quelques parois pierreuses ainsi que la zone carbonisée de l’incendie du 10 juin 2010. En face serpente l’accès routier principal de notre vallée par les Pontis. En poursuivant, on « contourne » ainsi la chapelle du même nom, posée sur son rocher, suspendue dans le vide abyssal du goulet qui se referme sur notre vallée.

Puis, le chemin s’incline sur un plan horizontal alors que le paysage se radoucit pour dévoiler les premiers bâtiments, granges et mayens, dans leur écrin de forêt. Au travers des branches apparaissent peu à peu des bâtisses à l’abandon, toits de bois effondrés sur d’anciennes structures habitées, placées en ligne le long du chemin muletier, afin de faciliter le déchargement de matériaux, bois ou foin.

« Bonjour, je suis Anniviarde, ma famille est originaire des Voualans », se présenta-t-elle ce jour-là. « Mon père y a vécu ». Il n’en fallait pas plus pour se mettre en quête car, soudain, un simple nom de lieu sur une carte venait de prendre vie.

Les propos de la jeune femme tenaient en partie de la boutade. Ils menèrent à la rencontre de l’histoire.

René Zufferey, horloger de son métier, y passait la belle saison d’avril à novembre. Ce fut ainsi jusque dans les années quarante, bien que le souvenir daté manque de précision.

Les premiers colons furent ses grands-parents, Gaspard et Anne Zufferey. Vers la fin du 19ème siècle, ils se connurent et se marièrent à Fang d’en-haut. Ils eurent 2 fils et 3 filles. Un beau jour, ils se mirent en quête de biens pour pâturer le bétail car trop de monde se partageait ce qui restait autour d’eux, les familles étaient nombreuses. Ils jetèrent leur dévolu sur les jolis pâturages des Voualans, ceux d’en-haut. Bien des années plus tard, leur bâtisse partit en flammes, ainsi que celle de la soeur de Gaspard, Tante Adèle.

Leur fils Théodore hérita du lieu. C’est là que naquit René, un beau jour de septembre 1932. Rongée par un cancer du sein, l’accouchée n’avait plus que 3 mois à vivre. Dès que cela fut possible, elle envoya les aînés avec le nouveau-né, placé dans une hotte, à Vercorin afin de l’y faire baptiser. Le curé, Jean-Baptiste Zufferey, était absent. Ils le trouvèrent enfin aux champs, ils purent ensuite (enfin?) s’en retourner.

Malgré l’inconsolable décès de sa femme, Théodore resta sur ses terres à Grône où il s’était établi. Vers la fin des années 30, en mars, le fourrage vint à manquer. Théodore demanda alors permission au curé de lever le camp plus tôt que prévu pour les Voualans, où il avait engrangé de quoi nourrir sa vache. René se rappelle de l’inscription, cette année-là, qui barrait son carnet scolaire: « Congé », puis de la longue ascension en faisant la trace dans 20 à 30 centimètres de neige et de l’arrivée où la vache eut droit la première aux bons soins du père, une bonne litière et une couverture de chanvre sur l’échine pour qu’elle ne prenne pas froid après avoir bien grimpatsé.

La grande difficulté existentielle des Voualans avait toujours été l’eau.

Il fallait aller la chercher à la brante au-delà du vallon de Crouja, sous les Jailles (les tunnels sur la route de Briey). C’est l’oncle, Maurice Antille, qui fit venir un sourcier pour tenter de résoudre la question. Ils captèrent et creusèrent pour tomber sur une source infime, transportèrent à dos de mulet, ciment, sable, poutres, ferraille, placèrent une crépine pour arrêter l’eau, un tuyau pour la conduire au bassin mais surtout pour ne pas la mésuser. « Et sitôt que le bassin était plein, ils arrêtaient. »

Une autre fois, ils se procurèrent un alambic. La récolte de cerises avait été surabondante et l’alcool n’était pas monnaie courante dans cette contrée. Le petit René mit des années à comprendre que le comportement bizarre des gens qui goûtèrent au fruit de la fermentation ce soir-là était celui de personnes en état d’ébriété.

Blé, patates, fèves constituaient aussi leurs récoltes. Le blé était transporté à Fang pour la fabrication du pain. Le troc était de coutume.

Cette existence nomade se poursuivit ainsi quelques années encore, « il y avait pas mal de familles », puis elle perdit son sens, elle n’était plus viable, plus compatible avec le monde qui évoluait. Théodore vendit, la Tante Adèle en avait fait de même. Ce petit monde-là se disloqua.

Aujourd’hui, le puits est à l’abandon mais, les environs, René Zufferey le reconnaît,  sont étonnamment rénovés.

Les Voualans d’en-haut sont sis aux abords d’une grande et jolie clairière qui respire la sérénité. Une grande maison sur pilotis façon raccard assure la sentinelle sur la gauche. En le contournant, on y découvre deux lavabos surmontés d’un miroir à même la coursive sous l’avant-toit en tôle de l’édifice devant un petit local fermé d’une porte, un « cabinet de recueillement », on dira… A l’arrière de la maison, l’ouverture donne sur un grand dortoir au-dessus de laquelle est inscrit un « Endstation » qui ne présage d’aucun repos éternel. La maison du haut abrite une cuisine en plein air dont les ustensiles finissaient de sécher sous l’avant-toit de ce qui semble être une ancienne écurie. En face, la porte sans serrure d’une autre bâtisse qu’on n’osa point pousser puisqu’il y était inscrit « Fermez les portes, S.V.P! ». On se trouve ici sur la « Place des Lich’Tis », c’est balisé.

Stéphane Albasini a commencé à restaurer ces lieux il y a 3-4 ans. Il s’est entouré d’un groupe d’une vingtaine de propriétaires en communauté pour assurer la renaissance des 120 hectares. Il y passe de temps en temps une nuit avec des petits groupes, des amis ou sa famille. Des scouts y séjournent aussi.

Lorsque l’intérieur des maisons sera correctement retapé, il pourra y aménager cuisine et salle d’eau. Le problème de l’eau n’est plus, il a tiré une conduite de 3,5 km depuis une source, à peu près depuis la croix en bordure de route à la sortie de Vercorin et un chemin carrossable longe désormais le vallon de Crouja depuis la gravière.

C’est le chemin qu’emprunta tout surpris un groupe d’une trentaine de personnes âgées venu en « pèlerinage » aux Voualans en 2008. Ces personnes y avaient passé 2 étés 50 ans auparavant, en 1958−1959. Ils racontèrent à Stéphane que le hameau était déjà abandonné, depuis une quinzaine d’années environ, et qu’ils devaient alors « ramasser (l’eau) goutte à goute dans des cuves ». Une plaque rappelant cette époque et présentant leur groupement religieux st-gallois sous l’égide de Saint Otmar atteste de leurs séjours au bout de la clairière.

Le puits est propriété de la commune de Chalais qui prévoit une remise en état. Affaire à suivre.

Salamin Nicole

 Galeries-photos des Voualans, cartes et suite de l’histoire sur www.limmoblog.ch > Billet du 04 janvier 2012 ou Rechercher « Voualans ».

Les Voualans d’en-bas, 1120 mètres, environ 40 minutes depuis la Navisence

Les Voualans d’en-haut, 1146 mètres, plus ou moins 45 minutes depuis Vercorin ou la Meya, 1h15 à remonter.

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