Patois - Lexique du patois d'Anniviers

Article rédigé par Janine Barmaz pour "Les 4 Saisons d'Anniviers"

 

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Livre "Lexique du Patois d'Anniviers"

 

Lexique du patois d’Anniviers

À une ou deux exceptions près, les dernières personnes parlant couramment le patois dans la vallée ont actuellement plus de 80 ans. C’est donc le tout dernier moment pour établir un lexique du vocabulaire courant de la langue d’autrefois et, ainsi, combler un vide dans la documentation sur les patois valaisans.

Cette entreprise, demandant un brin d’audace et beaucoup de ténacité, est en passe de voir ses efforts récompensés. En effet, le fruit de centaines et centaines d’heures de travail sera publié au début de l’été et présenté dans le cadre de la Foire aux livres à Mission, le dimanche 22 juillet prochain.

Naissance du projet

C’est en participant à une assemblée de consortage que Dominique Epiney Regolatti a entendu pour la première fois un long discours en patois, prononcé par Jean-Baptiste Massy. Elle a été émerveillée de sa capacité à utiliser avec aisance et fluidité la langue qu’elle avait souvent entendue dans la bouche de ses grands-parents quand elle était petite. Son intérêt pour le patois s’est alors réveillé. Par soif de connaître, Dominique a donc proposé à Jean-Baptiste, à de multiples reprises, de constituer ensemble un petit recueil de mots patois. Sa persévérance a fini par payer. Au bout de deux ou trois ans, Jean-Baptiste accepte enfin de se lancer dans le projet, à la condition que Gérard Revey, oncle de Dominique, les accompagne dans ce travail. C’est ainsi qu’à partir de septembre 2013, les trois camarades se sont rencontrés tous les lundis pour dresser des listes de mots en patois. Afin de ne pas avancer à l’aveuglette, ils se sont appuyés sur la publication de René Duc, Le Patois de la Louable Contrée. L’équipe procédait de la manière suivante : les deux hommes traduisaient en patois un mot que Dominique transcrivait selon un système graphique élaboré, peu à peu, par ses soins. La découverte du dictionnaire d’André Lagger les a poussés vers une nouvelle destination, celle de la publication d’un Petit recueil de patois anniviard, comme ils l’avaient baptisé. Lorsqu’ils eurent atteint ce qu’ils considéraient être le terme de leur ouvrage, Dominique prit contact avec moi. Sachant que j’ai travaillé à la rédaction d’un dictionnaire des patois romands, elle me demanda mon avis sur le travail accompli et quels conseils je pourrais leur donner. J’ignorais tout de leur entreprise jusque-là et quand elle me montra le fruit de leurs innombrables rencontres, je fus époustouflée par la somme de travail effectuée. Plusieurs milliers de mots apparaissaient sur mon écran d’ordinateur. Certains écrits comme en français, d’autres d’une manière permettant à un patoisant averti de les prononcer plus ou moins correctement. En quelques instants la grande faiblesse de leur lexique me sauta aux yeux : la graphie ! Et cette faiblesse-là est rédhibitoire.

Comment écrire le patois ?

La valeur du dictionnaire, le sens d’en faire un, c’est de garder trace du vocabulaire, mais en donnant la possibilité aux lecteurs de prononcer correctement. Sinon le but n’est pas atteint. Or, écrire le patois est particulièrement malaisé, principalement parce que nous avons été formatés à l’orthographe française, qui, malheureusement, n’a souvent pas grand-chose à voir avec le son des mots qu’elle représente. De plus, le patois connaît des sons qui n’existent pas en français. Nous ne pouvons donc pas nous servir de nos références habituelles. Autre problème fondamental : pour prononcer correctement le patois, il est essentiel de savoir où est la place de l’accent. En effet, contrairement au français, le patois connaît aussi l’accent sur l’avant-dernière syllabe, comme l’italien par exemple. Il faut donc utiliser une graphie qui permette de repérer tout de suite où se trouve l’accent du mot.

Il y a quelques années des linguistes ont mis en place une graphie commune pour écrire les patois valaisans. C’est elle que j’ai proposée pour transcrire le patois anniviard. De prime abord, elle semble un peu compliquée, mais après quelques exercices on la décode plutôt aisément. Elle a le grand mérite de permettre la bonne prononciation des mots, ce qui est l’exigence fondamentale à laquelle doit répondre un dictionnaire bilingue.

Collaboration

À la demande du groupe j’ai accepté de me joindre à eux. Nous avons repris du début la liste de mots et nous les avons réécrits selon cette graphie. Cela nous a demandé du temps. La lettre Z est arrivée enfin. Il a fallu alors commencer à relire et corriger ; là je me suis trouvée assaillie par le doute. Un doute portant sur la transcription : doute de ne pas avoir bien entendu, d’avoir mal interprété, d’être influencée par mon propre patois, si proche et pourtant différent, etc. Heureusement certaines vérifications ont été possibles grâce à l’accès au matériel fourni au Glossaire des Patois de la Suisse romande par des correspondants anniviards, au début du 20ème siècle. Cela m’a confirmé le bien-fondé de ce lexique et sa valeur intrinsèque.

La publication étant le but ultime de l’entreprise, vint le moment de se décider à mettre un point final à cet ouvrage, dont il est évident qu’il est incomplet et perfectible. Il y aurait encore tant à faire. Allonger la liste de mots, faire des exemples pour chaque terme, citer des locutions, des proverbes. Tout ceci n’est qu’une partie des prolongements possibles. Seulement il est un impératif qui détermine bien des décisions : le temps. Et il n’est pas extensible à souhait. C’est pourquoi nous avons décidé que notre contribution, même modeste, à la sauvegarde du patois en valait la peine et, après tout, un tiens vaut mieux que deux tu l’auras.

Le Lexique du Patois d’Anniviers répertorie quelque 3500 mots. Après la partie patois-français vient un lexique inversé français-patois, qui facilite l’accès au vocabulaire.

Janine Barmaz

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