Rabatteur: Révision

Rabatteur

Dernière mise à jour le par Adriana Tenda Claude

Article rédigé par Janine Barmaz pour les "4 Saisons d'Anniviers"

Dans l’arène avec Princesse, Fureur et les autres

Biographie express

Justin Monnet est né en 1990. Fils de Gérard et Gisèle, il habite à la Combaz. Il est menuisier-charpentier et poursuit sa formation pour faire un brevet de menuisier. Il pratique le sport (marche, ski, peau de phoque), joue du tambour et élève des vaches, avec un enthousiasme communicatif. Justin Monnet est un passionné de vaches. Ce n’est pas exceptionnel dans nos contrées. Ce qui l’est plus, c’est d’être rabatteur. Comment a-t-il été amené à remplir cette fonction ? En quoi consiste-t-elle précisément ?

L’amour des bêtes

Tout petit, Justin s’est pris d’intérêt pour les reines d’Hérens en observant, depuis sa maison, les vaches sur le « poyo » de l’étable de Vissoie. À 6 ans, il a commencé à se rendre à l’étable par curiosité. Le nombre de ses visites a rapidement augmenté grâce à la bonne entente qui régnait entre lui et Sylvain Zufferey, le vacher. Pour sa première communion, il a demandé un veau comme cadeau, qu’il n’a pas reçu. Mais, lorsqu’il eut 10 ans, sa maman l’autorisa à acheter un premier veau. Avec son père, il fit le tour des étables du Valais avant de trouver, à Arbaz, la bête de ses rêves, que le propriétaire se résolut à leur vendre, touché par l’engouement manifeste du jeune garçon. Depuis, le troupeau, qui a pris ses quartiers à l’étable de Vissoie, n’a cessé de s’agrandir et la passion est restée intacte.

Justin a été conquis tout de suite par le monde des matchs de reines. À 6 ans déjà, il ne quittait pas le spectacle des yeux et accompagnait régulièrement son père aux matchs. Curieux de la généalogie des bêtes, il en acquit en peu de temps une excellente connaissance, au point d’épater les spécialistes.

Le rôle de rabatteur lui fit rapidement envie. Mais il savait qu’il fallait avoir, outre de la force physique, une autorité indéniable pour pouvoir l’exercer en toute sécurité et obtenir le respect des propriétaires. Il pensait donc attendre une certaine maturité avant de se lancer.

Le hasard, qui fait souvent bien les choses, en décida autrement. En 2010, en compagnie de copains fans de reines comme lui, Justin but un verre à la buvette que tient Michel Vocat sur les hauts de Crans-Montana. Responsable des rabatteurs au sein de la Fédération suisse d’élevage de la race d’Hérens, celui-ci annonça que la fédération était à la recherche de rabatteurs. Sous forme de boutade, un des jeunes proposa aussitôt la candidature de Justin. Michel Vocat, prenant la chose au sérieux, se montra réellement intéressé et sut trouver les mots pour convaincre Justin.

C’est ainsi qu’en 2011, à peine âgé de 21 ans, Justin fit son entrée dans l’arène. Il participa à 3 matchs cette année-là. Il vit que la fonction lui plaisait vraiment et décida de poursuivre l’expérience. En 2014, il sera rabatteur dans 5 des 10 matchs au programme.

Les combats de reines

Des directives précises et détaillées régissant les combats de reines ont été émises par la Fédération d’élevage de la race d’Hérens, qui tient cette compétence du Conseil d’Etat. Pour plus d’infos, cf. le site de la Fédération : http://www.vacheherens.ch

L’organisation

L’organisation d’un combat de reines nécessite le travail d’une foule de personnes : comité d’organisation, bénévoles, propriétaires et officiels. L’activité des officiels est répartie entre les commissaires, le jury et les rabatteurs.

Deux commissaires sont responsables de contrôler que tout se passe dans le respect des directives.

Les membres du jury, au nombre de 5, dirigent le combat.

Les 6 rabatteurs se tiennent au milieu de l’arène pour assurer le bon déroulement des combats et appliquer les consignes du jury.

À la fin janvier, la fédération fait parvenir aux personnes concernées le planning de l’année. Une liste est établie, portant, pour chaque match, le nom des membres du jury, des rabatteurs et des commissaires.

Les rabatteurs

Au début du match, les rabatteurs se répartissent, un peu au hasard, dans l’arène. Par la suite, chacun garde le même secteur, tout en observant ce qui se passe autour et en intervenant si nécessaire. Les rabatteurs doivent être constamment sur leurs gardes, pour bien remplir leur rôle et garantir leur sécurité. Ils veillent à ce que deux bêtes qui luttent ne soient pas dérangées par une troisième. Sur ordre du jury, ils rapprochent des bêtes pour qu’elles s’affrontent.

Parmi eux, le chef-rabatteur, qui dispose d’une oreillette permettant de communiquer avec le président du jury, fait le lien entre le jury et ses collègues. C’est lui qui transmet les instructions reçues.

Avant de rentrer dans l’arène pour la première fois, le rabatteur ne reçoit pas de formation spécifique. Mais pour être sélectionné, il faut remplir certains critères. Des critères auxquels Justin répond parfaitement.

Premièrement, il est essentiel d’avoir un lien fort avec la race d’Hérens. La connaissance du bétail et de son comportement est un facteur capital au bon accomplissement de la tâche.

Deuxièmement, le rabatteur doit être quelqu’un de vigilant et de rapide, afin de prévenir les problèmes et permettre au match de se passer au mieux. Comme cette activité est affaire de passionnés qui suivent les matchs depuis longtemps et en connaissent donc parfaitement les règles, c’est directement sur le terrain que le néophyte teste ses capacités. Il est encadré par des collègues expérimentés qui savent lui donner confiance et soutien.

Selon Justin, la bonne ambiance qui règne dans le groupe, le plaisir ressenti, la confiance témoignée, ainsi que la philosophie partagée sont des éléments fondamentaux du bon travail de l’équipe.

Les relations avec les propriétaires et le public

Avec les propriétaires, les contacts sont plutôt bons. Beaucoup les remercient et les félicitent au moment d’attacher leur bête. Malgré de possibles erreurs, les menaces sont extrêmement rares. C’est parfois aux injures que le rabatteur doit faire face. Pendant la lutte, les propriétaires sont comme envoûtés, leurs réactions sont alors impulsives. Heureusement la pression descend très vite après.

Dans l’arène, Justin ne s’occupe pas trop du public. Il est cependant évident que certains commentaires ne lui échappent pas. Il arrive que le rabatteur puisse se sentir blessé par des remarques négatives, rabâchées sans cesse. Justin est conscient que les sifflets ne sont pas toujours fondés. Il parvient à garder le détachement nécessaire.

Les risques

L’acte le plus difficile à réaliser et aussi le plus dangereux, c’est de séparer des bêtes en lutte. Tout à leur affaire, les vaches peuvent bousculer ou blesser le rabatteur, parce qu’elles veulent poursuivre le combat. Par chance, il n’y a jamais eu de gros accidents dans l’arène.

Néanmoins, il n’y a pas de combat de reines sans bobos pour le rabatteur : pieds écrasés, coups de corne, muscles froissés. Le lendemain, les courbatures sont bien présentes !

Justin a été blessé lors d’une tentative pour rapprocher deux bêtes. La vache dont il s’occupait a sauté dans sa direction et un coup de corne l’a envoyé au tapis, la mâchoire ouverte. Il lui a fallu quitter l’arène pour aller se faire recoudre. Il a été remplacé alors par un collègue qui assistait au combat.

L’avenir

Cette année, Justin aura l’honneur de participer à la finale nationale. C’est pour lui une preuve de la confiance qu’on lui fait et de la reconnaissance que lui vaut son travail. Il en conçoit un brin de fierté et beaucoup de bonheur. Il ressentira sans doute un peu de pression, mais il sait qu’il peut compter sur l’expérience de ses collègues.

Pour ce qui est de sa carrière de rabatteur, il ne se fixe pas d’objectif dans la durée. Il reconnaît toutefois que, maintenant, quand il regarde un match comme spectateur, il a l’impression de ne pas être à sa place…

Notre région bénéficie de l’engagement de passionnés qui gardent bien en vie des traditions anciennes. Justin Monnet l’a bien compris, il est de ceux-là. Qu’il en soit ici remercié !

Janine Barmaz

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