Article rédigé par Yanis Chauvel pour "Les 4 Saisons d'Anniviers"
Forêts et Hôtel Weisshorn à droite
La forêt n'a pas besoin de l'Homme mais ce dernier a besoin de la forêt.
L’histoire commune de l'Homme et de la forêt remonte déjà a la préhistoire quand l'Homme a commencé à avoir besoin de bois pour se chauffer. Par la suite, le destin des zones sylvestres et celui des Hommes n'ont cessé de se croiser, bien souvent au détriment des espaces forestiers. Dès la fin du Néolithique, pour les besoins de l'agriculture et de l'élevage, les déboisements commencent. Ils prennent de l'ampleur pour la construction de routes à la période romaine, puis la croissance démographique et les progrès techniques du Moyen Age commencent à avoir un impact visible sur les forêts.
C'est pourquoi dès le 14ème siècle certaines zones sont déclarées forêts à ban, comme la forêt au-dessus d'Ayer. Ces mesures de protection de la forêt visaient surtout à éviter que les forêts ne remplissent plus leur rôle de protection contre les dangers naturels; en zone de montagne ceux-ci étaient fréquents et avalanches, glissements de terrains et autres éboulements rythmaient la vie des habitants.
Ce n'est qu'au 19ème siècle, avec l'industrialisation et les besoins croissants en bois qui conduisent à la destruction d'une grande partie des forêts de montagne, que la Confédération se décide à agir. En 1876, la Suisse édicte sa première loi nationale sur les forêts. Cette loi contient un principe majeur : Ne pas exploiter plus que la forêt ne produit.
Le rôle du Triage forestier d'Anniviers
La protection de la forêt en Anniviers est depuis toujours le rôle des bourgeoisies des différents villages. En effet, jusqu'au début du 20ème siècle, les forêts et leurs produits avaient une importance capitale pour les Anniviards. Bois de chauffage, madriers pour les raccards, vente de la résine de mélèze comme médicament... la forêt était essentielle à la vie locale. La bourgeoisie a pour mission de veiller à la protection des zones forestières. Jusqu'en 1970, chaque bourgeoisie de la vallée avait son propre garde-forestier. En 1971, les bourgeoisies de Chandolin-Saint Luc et Vissoie s'associent pour engager un garde-forestier à plein temps et fondent une équipe forestière interbourgeoisiale. La bourgeoisie d'Ayer fonde à son tour son équipe forestière en 1990. La diminution programmée des budgets alloués à la forêt ont abouti, en mars 2004, à la fusion du Triage forestier de Chandolin-Saint Luc-Vissoie et du Triage d'Ayer pour former le Triage forestier d'Anniviers. Les bourgeoisies de Grimentz et de Saint-Jean ont alors adhéré à cette nouvelle structure. Le triage d'Anniviers emploie maintenant une quinzaine de personnes, dont deux apprentis. Environ 70 % des tâches effectuées le sont pour des travaux commandés par la commune et les bourgeoisies, le reste représente des travaux pour des privés (coupes de bois, fabrications de bancs, tables...).
Une forêt aux multiples fonctions
La fonction la plus anciennement protégée de la forêt est celle de protection contre les dangers naturels. C'est ce qui a poussé à la création des forêts à ban. Plus tard, la loi de 1876 protégeait la fonction de production de matières premières et son rôle social et récréatif pour la population. Depuis peu, quelques décennies au plus, avec le développement de la sensibilité écologique et le succès de l'éducation à l'environnement, un quatrième aspect est pris en compte, celui du rôle des zones sylvestres comme refuges de la biodiversité. C'est en tenant compte de toutes ces fonctions que les forestiers du triage doivent remplir leurs missions. A chaque intervention, ils doivent agir au mieux au regard de toutes les fonctions que remplissent les zones forestières. Le rôle du triage est de s'assurer que la forêt peut toujours remplir toutes ses fonctions. Idéalement, chaque zone d'une forêt devrait pouvoir bénéficier d'une inspection tous les 20 ans. Les moyens actuels permettent une inspection tous les 80 ans. Cette inspection est nécessaire car la forêt a besoin de se régénérer pour assurer toutes ses fonctions, notamment celle de protection contre les dangers naturels. Les forestiers doivent intervenir pour favoriser cette régénération. La création de grandes ouvertures, pour laisser entrer la lumière, favorise le rajeunissement des forêts.
La forêt des Morasses, un exemple du travail des forestiers
Aux Morasses, avant le passage des forestiers se trouvaient de gros arbres, vieillissants et dont le fort ombrage ne permettait pas le rajeunissement de la forêt. De plus, ces arbres ne remplissaient plus leur rôle de protection contre les dangers de la montagne car ils devenaient trop vieux. Une intervention était nécessaire pour garantir la sécurité du secteur. Grâce aux ouvertures créées et aux coupes réalisées, la forêt des Morasses a retrouvé une luminosité permettant aux jeunes pousses de s'installer. Le peuplement, dans les prochaines années, va se diversifier et la forêt deviendra plus résistante. Il faut signaler aussi que chaque détail a son importance lors d'une telle intervention en forêt. Il faut penser au moindre impact qu'aura l'action des forestiers. C'est pourquoi, par exemple, les branches mortes ne sont pas ramassées. En effet, laissé sur le sol, le bois mort se transforme en humus qui va enrichir le sol et favoriser la repousse. De même, les souches dont le tronc a été scié et certains troncs ne sont pas enlevés car leur présence va retenir la neige en hiver, freiner les cailloux dans leur chute et donc remplir la fonction de protection du secteur pendant la repousse des arbres nouvellement arrivés.
La forêt est un espace vivant, indissociable de la vie montagnarde, qu'il faut savoir respecter et protéger, c'est le rôle des forestiers de l'entretenir pour que nous puissions tous en profiter.
Yanis Chauvel
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